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Préface – Concevoir

Concevoir : prévenir et traiter l’infertilité par Dr Pierre Miron

Préface de Julie Snyder

Il ne se passe pas un jour sans qu’une femme m’aborde ou m’écrive pour me parler de sa difficulté à concevoir un enfant. Et comme vous pourrez le lire plus loin, c’est un thème qui touche autant les hommes que les femmes.

Un couple sur six souffrira un jour d’infertilité. Ce livre fait œuvre utile car nous ne parlons pas assez de ce problème de santé. Nous n’anticipons pas ce genre de complication médicale lorsque nous atteignons notre majorité. Parler de fertilité, c’est parler de la vie. Les jeunes femmes atteintes de cancer savent-elles qu’elles ont le droit de congeler leurs ovules avant d’entreprendre certains traitements qui risquent de les rendre stériles ?

En Angleterre, le Dr Robert Edwards, de l’Université de Cambridge, et le Dr Patrick Steptoe ont modifié le cours de l’histoire médicale en permettant la venue au monde de Louise Brown, premier bébé issu de la fécondation in vitro (FIV), née le 25 juillet 1978. La petite Louise, qualifiée de « bébé éprouvette », incarne désormais l’espoir de millions de couples infertiles.

Depuis, grâce à la recherche et aux améliorations technologiques, cinq millions1 de bébés FIV ont vu le jour à travers le monde et le Dr Edwards a remporté le Nobel de médecine en 2010.

L’infertilité a longtemps été taboue. On avait honte d’être infertile, on souffrait en silence. Puis, un beau jour, la courageuse Céline Dion, plus grande star féminine de la planète, déclara en toute transparence qu’elle attendait un enfant après avoir subi une FIV. Si Louise Brown est la plus célèbre des petites filles in vitro, René- Charles deviendra alors le plus connu des petits garçons ayant vu le jour grâce à cette technique médicale.

En Allemagne, en Australie, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en France, en Israël, en Nouvelle- Zélande, en Norvège, aux Pays-Bas et en Suède, la prise en charge et la couver- ture de la FIV par l’État sont assurées avec succès depuis plusieurs années.

Au Québec, depuis que la FIV est accessible à tous, de nouvelles familles voient le jour, s’épanouissent et contribuent à l’essor, au développement et à la richesse de notre nation.

Je remercie les politiciens et politiciennes de tous les partis qui ont reconnu la nécessité de couvrir les traitements pour guérir l’infertilité. Je précise que j’ai moi- même payé mes traitements pour mon fils et ma fille en fréquentant trois cliniques de Montréal et une de New York. J’ai lutté pour ceux et celles qui n’avaient pas les moyens de guérir de leur maladie, bien consciente que ce n’était pas la cause la plus facile à défendre et que je n’allais pas m’attirer un capital de sympathie consensuel en devenant son porte-étendard.

Certains remettent parfois en question le programme de FIV en disant qu’il coûte cher. Pourtant, ce qui a guidé nos représentations à l’Association des couples infertiles du Québec, à sa présidente de l’époque, Caroline Amireault, à Me Karine Joizil et à moi-même, c’est le mémoire de la Dre Annie Janvier, déposé à l’Assemblée nationale le 29 mars 2006. Au nom de la Société des néonatologistes du Québec et de l’Association des pédiatres du Québec, ce mémoire demandait comme première mesure que : « Le système de santé québécois doit gérer le traitement de l’infertilité au même titre que le traitement d’autres problèmes de santé. La prise en charge du traitement de l’infertilité par l’État éviterait que certain(e)s patient(e)s soient traité(e)s selon leur capacité financière. Ceci enraierait de nombreux conflits d’intérêts et permettrait de diminuer drastiquement le taux de grossesses multiples, les complications néonatales et pédiatriques et, par conséquent, les frais de santé assumés par l’État. »

Une politique nataliste ayant des actions comme le financement de la FIV, c’est avant tout un investissement hautement rentable pour la société. Une étude2 publiée en 2008 dans l’American Journal of Managed Care souligne un retour sur investissement de la FIV de l’ordre de 700 %. Une société ne se trompe pas lorsqu’elle investit pour augmenter le nombre de ses enfants.

Je me réjouis de la naissance de ce livre. En expliquant bien comment prévenir l’in- fertilité, ses étapes d’investigation, ses différents traitements et médicaments, Pierre Miron et ses collaborateurs permettent enfin aux couples de mieux comprendre et de se préparer au parcours du combattant qui les attend.

Enfin, je souhaite beaucoup de courage aux couples infertiles, et mes pensées vont aux femmes qui devront subir plusieurs prises de sang, examens, injections, mon- tagnes russes hormonales, traitements, etc. Derrière chaque « bébé éprouvette » se cache une femme éprouvée qui deviendra peut-être une maman comblée.

Aux couples pour qui ça ne fonctionne pas encore, je paraphraserai Charles de Gaulle en leur disant : « Vous avez perdu une bataille, mais vous n’avez pas perdu la guerre. »

Aux parents pour qui cette naissance tant espérée ne sera pas arrivée, je vous félicite d’être allés jusqu’au bout. Vous serez plus en mesure de faire votre deuil et d’envisager avec sérénité une autre façon d’être parents.

Quand ma petite fille, Romy, quatre ans, née grâce à une fécondation in vitro (merci au Dr Seang Lin Tan), aura seize ans, je lui offrirai ce livre afin qu’elle saisisse bien que ses choix de vie influenceront sa capacité à avoir des enfants. Et je lui dirai que, malgré toute la stimulation ovarienne subie, je n’avais qu’un seul ovule qui permit de produire, malgré tout, un embryon de six cellules de qua- lité moyenne. Et cet embryon, c’était toi, mon amour. Tu as passé deux jours hors de mon ventre mais tu passeras toute ta vie dans mon cœur.

Je l’offrirai aussi à mon grand garçon, Thomas, huit ans, de qui je suis tombée enceinte « naturellement » entre deux traitements de FIV (merci au Dr Miron), car j’espère bien devenir grand-mère un jour. Mon fils, tu es un don du ciel. Ta naissance a changé ma vie. Grâce à toi, le 17 mai 2005, je suis devenue une autre femme, je suis devenue une maman, ta maman pour toujours.

Votre papa a beaucoup pleuré lors de vos naissances et moi je pleure encore en écrivant ces lignes. Mais ce sont des larmes de bonheur.

Les miracles existent, merci aux médecins spécialistes de la FIV pour le coup de main qu’ils donnent au bon Dieu.

Julie Snyder, animatrice et productrice

1 European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE), « The world’s number of IVF and ICSI babies has now reached a calculated total of 5 million », 1er juillet 2012.

2 Connolly, M. P., MHE ; Pollard, Michael, Ph.D ; Hoorens, Stijn, MSc ; Kaplan, Brian, M.D. ; Oskowitz, Selwyn P., M.D. ; Silber, Sherman J., M.D., « Long-Term Economic Benefits Attributed to IVF-Conceived Children: A Life- time Tax Calculation », American Journal of Managed Care (2008), étude financée par la RAND Corporation de Santa Monica (CA) et le Ferring International Center (Suisse)

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